Interprétation de l’article 4 §6 b de la convention France-Suisse

L’article 4, paragraphe 6 de la convention fiscale entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 précise :


“N’est pas considérée comme résident d’un État contractant au sens du présent article […] b) Une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État.”

 

À première lecture, cette disposition pourrait sembler viser les contribuables suisses imposés d’après la dépense. Mais cette interprétation ne résiste pas à l’analyse historique.

 

Les premières relations conventionnelles entre la France et la Suisse remontent à 1953. Lors de la renégociation de cette convention en 1966, la France a souhaité revoir une disposition qui limitait sa capacité à imposer des personnes domiciliées en Suisse mais disposant d’une résidence secondaire en France. Ce dispositif s’appuyait sur une évaluation forfaitaire des revenus fondée sur cinq fois la valeur locative du bien, conformément à l’ancien article 164 C du CGI (abrogé en 2015).

 

Le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale du 18 octobre 1966, relatif à la convention signée en septembre de la même année, explique clairement les raisons de l’introduction de cette clause. L’administration française estimait difficile d’appliquer cette imposition en pratique, celle-ci nécessitant de prouver un séjour en France de plus de 90 jours. C’est ce contexte qui a conduit à l’introduction de l’article 4 paragraphe 5 lettre b, devenu ensuite l’actuel article 4 paragraphe 6 lettre b.

 

L’objectif de cette clause était donc de ne pas accorder le statut de résident fiscal au sens de la convention aux personnes imposées forfaitairement sur la base de la valeur locative de leur résidence secondaire en France. Elle ne visait en aucun cas les personnes imposées d’après la dépense en Suisse.

 

Depuis 1966, cet article n’a jamais été modifié, malgré plusieurs révisions majeures de la convention (1969, 1997, 2009, 2011). Aucune de ces révisions n’a élargi son champ d’application aux contribuables au forfait de dépense, lesquels ne sont jamais mentionnés dans les textes préparatoires, et en particulier pas dans le Message du Conseil fédéral.

 

L’analyse historique de cette clause montre donc clairement que l’article 4 §6 b ne remet pas en cause le statut de résident au sens conventionnel des personnes imposées d’après la dépense en Suisse. Sa portée est strictement limitée aux situations d’imposition forfaitaire sur la base de la valeur locative des biens immobiliers situés en France.