Monsieur et Madame Bhé sont associés de la SCI Céh, fiscalement translucide et de droit français. Cette SCI détient un appartement en France, qui était la résidence principale du couple. En février 2024, les époux Bhé ont transféré leur résidence principale en Suisse. La SCI Céh vend l’appartement en novembre 2024.
La question se pose de savoir si les époux peuvent bénéficier de l’article 244 bis A, I-1° du Code général des impôts, qui prévoit une exonération de la plus-value réalisée lors de la cession d’une ancienne résidence principale en France, après un transfert de domicile fiscal à l’étranger.
Dans cette configuration, l’immeuble est détenu via une SCI. En droit français, cela n’empêche pas que l’exonération s’applique, même si le bien n’est juridiquement pas la résidence principale du cédant (la SCI), mais de ses associés, assimilés fiscalement à des propriétaires directs.
Depuis le 1er janvier 2019, l’exonération est ouverte aux non-résidents sous réserve de respecter plusieurs conditions.
Conditions de l’exonération
Depuis le 1er janvier 2019, l’exonération s’applique en cas de transfert de résidence hors de France, sous réserve des conditions suivantes :
Le domicile doit avoir été transféré dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État disposant d’une convention d’assistance administrative et de recouvrement comparable à la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010, et ne figurant pas sur la liste des États non coopératifs selon l’article 238-0 A du CGI.
La vente doit intervenir au plus tard le 31 décembre de l’année suivant le départ.
Le logement ne doit pas avoir été occupé par des tiers entre le départ et la cession.
- Le cédant ne doit pas avoir déjà bénéficié de l’exonération de l’article 150 U, II-2° du CGI.
La Suisse remplit-elle les conditions du premier alinéa ?
L’article 28 bis de la convention franco-suisse sur l’impôt sur le revenu du 9 septembre 1966 comprend une clause d’assistance administrative. Cependant, pour l’Administration fiscale, la Suisse n’est pas incluse dans les États ayant une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, ni une convention d’assistance mutuelle en recouvrement des créances fiscales similaire à la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010, qui exclut les États non coopératifs au sens de l’article 238-0 A du CGI.
Néanmoins, dans sa décision du 26 janvier 2021 (CE, 3ème, 8ème chambres réunies, 26/01/2021, 429381), le Conseil d’État a estimé qu’une erreur de droit avait été commise en jugeant l’absence de stipulations conventionnelles pour l’assistance mutuelle entre la France et la Suisse, alors que les stipulations de l’article 28 bis de la convention du 9 septembre 1966 s’appliquaient et ont une portée similaire à la directive 2010/24/UE.
Conclusion A
En pratique, le représentant fiscal exigera que l’impôt sur la plus-value soit versé en totalité au moment de la vente. Il reviendra au vendeur de déposer une réclamation contentieuse après la cession afin d’obtenir le remboursement. La pertinence de cette démarche doit être analysée avec votre conseil.
L’EXONÉRATION PEUT-ELLE ÊTRE OBTENUE VIA L’ ARTICLE 15.4 DE LA CONVENTION FISCALE FRANCO-SUISSE ?
L’article 15.4 établit que « les gains provenant de l’aliénation des biens mentionnés […] sont calculés de la même manière, que le bénéficiaire réside dans l’un ou l’autre État contractant. » Cet article instaure un principe de non-discrimination pour le calcul des plus-values immobilières. Le Conseil d’État a jugé (CE, 9ème, 10ème chambres réunies, 12/02/2020, 415475) que cet article permet d’accorder à un résident suisse l’exonération de la plus-value d’une résidence secondaire, sous réserve de réemployer le produit de la vente dans l’acquisition d’une résidence principale. Par conséquent, ces principes pourraient être repris par les juridictions administratives pour s’appliquer à la plus-value de cession de la résidence principale.
Doit-il en être de même lorsque les associés d’une SCI vendent le bien dans le cadre d’un transfert de domicile fiscal en Suisse, en appliquant la clause de non-discrimination de l’article 15.4 de la convention fiscale franco-suisse ? Le Conseil d’État a précisé, dans sa décision Quality Invest de 2011 (CE, 3ème, 8ème, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 11/07/2011, 317024, Publié au recueil Lebon), qu’une société fiscalement translucide a une personnalité fiscale et que c’est donc à ce niveau qu’il convient d’examiner l’impact des conventions fiscales (sauf stipulations contraires dans ces dernières).
CONCLUSION B
Il convient de conclure que lorsque la résidence principale est détenue via une SCI, la vente par cette société empêche ses associés de bénéficier de l’article 15.4 de la convention fiscale franco-suisse. Ainsi dans ce cas, l’exonération liée à la cession de la résidence principale ne serait pas applicable.